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Colin Foster : Contre les terroristes, nous devons lutter pour reconstruire l’espoir

jeudi 25 mai 2017

Article paru sur le site de l’Alliance for Workers Liberty, 23 mai 2017 - 17:25

Seule une renaissance de l’espoir dans la lutte sociale peut éliminer les racines des mouvements de l’islam politique qui sont obsédés par la revanche et la mort. L’attentat de Manchester, qui à l’heure où nous écrivons, a tué 22 personnes et en a blessé 59, a été revendiqué par Daech. Les experts affirment que cette revendication est peut être inexacte et pourrait relever d’une tentative macabre de récupération politique ; mais il est presque certain que le tueur appartient à la mouvance islamiste et cléricale-fasciste.

Comme beaucoup d’autres, nous exprimons toute notre solidarité aux familles et aux amis des personnes tuées et blessées dans cet attentat.

En théorie, il serait positif que la police réussisse à arrêter tous ceux qui ont collaboré avec ce criminel et il serait aussi positif que l’armée irakienne (avec le soutien des États-Unis) puisse gagner sa bataille pour chasser Daech hors de Mossoul, où l’Etat islamique règne depuis juin 2014. Mais ces dernières décennies nous ont montré que personne ne peut faire confiance aux flics ou aux armées des grandes puissances pour liquider le terrorisme clérical-fasciste.

En fait, leurs actions, que ce soit le programme « PREVENT (1) » (Prévenir), les restrictions successives infligées aux libertés civiles, l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 (lancée sous le prétexte de mener une « guerre contre le terrorisme » et déclenchée par le président américain George W. Bush en 2001), les résultats des interventions des Etats-Unis en Afghanistan depuis qu’ils ont débarqué pour expulser les talibans en 2001, toutes ces actions ont alimenté et alimenteront le désespoir qui sous-tend les mouvements terroristes plutôt que de le soulager. Daesh glorifie l’attentat de Manchester parce qu’il aurait tué des « croisés », qu’il serait une « vengeance » et terroriserait les « mushrikin » (les polythéistes et les athées). Cet attentat doit être replacé dans son contexte historique.

Les cultes de la mort traverse toute l’histoire du fascisme. Les Phalangistes espagnols (qui soutenaient Franco) affectionnaient le slogan Viva la Muerte, Vive la Mort. Pour que le culte de la mort débouche sur des attentats suicides contre des civils choisis au hasard, souvent des jeunes ou des enfants (et, dans le monde entier, les islamistes ciblent plus souvent ceux qu’ils considèrent comme de mauvais musulmans que les non-musulmans) il faut qu’apparaisse un mélange particulier entre trois éléments : – la religion avec son culte du martyre, et sa croyance en des récompenses après la mort ; – le désespoir qui est l’expression d’une colère qui traverse le monde moderne ; – et la logistique, c’est-à-dire l’idée que ces attentats contre des cibles civiles permettent de contourner une puissance militaire extrêmement forte. Les attentats suicides systématiques ont commencé, dans le monde moderne, avec le mouvement des Tigres tamouls sri lankais en 1987. Eux-mêmes avaient emprunté cette méthode au mouvement islamiste du Hezbollah au Liban qui, en 1983, avait lancé un camion piégé contre la base marine américaine à Beyrouth et ainsi forcé les Etats-Unis à se retirer du pays.

Dans le cas des Tigres tamouls – qui ont organisé des centaines d’attentats suicides – et du Hezbollah, on pouvait identifier un certain lien avec des objectifs politiques précis (forcer les États-Unis à quitter le Liban, ou obliger le gouvernement sri-lankais à accorder l’indépendance aux Tamouls), même si l’emploi de cette tactique a amené les Tigres tamouls et le Hezbollah à s’attaquer aussi à leur propre peuple.

À partir des années 1980, et plus encore au début des années 1990, les cléricaux-fascistes islamiques ont repris à leur compte cette tactique et se sont de plus en plus livrés à des attentats, comme celui de Manchester, dépourvus de tout objectif politique précis. Ils ont été encouragés à agir ainsi par la prise de pouvoir de Khomeiny en Iran en 1979, par la quasi-victoire des islamistes en Algérie au début des années 90 et par la victoire des Taliban à Kaboul en 1996. Leurs attentats ont de moins en moins visé des cibles qui pouvaient être présentées, de façon certes ténue, comme des symboles d’un pouvoir oppressif, et se sont de plus en plus attaqué à des cibles civiles.

Le responsable policier de « l’antiterrorisme » au Royaume-Uni a déclaré en mars 2017 que ses collaborateurs avaient empêché 13 attentats terroristes depuis juin 2013. Nous n’avons aucun moyen de vérifier ses chiffres. Il a peut être raison. En tout cas, les faits montrent que les pouvoirs établis et les mesures qu’ils ont prises n’ont pas réussi à assécher les marais de haine qui conduisent à l’organisation de plus en plus d’attentats et de tentatives d’attentats. Seul un mouvement ouvrier entièrement renouvelé pourrait réussir à mener à bien une telle tâche.

Après les attentats du 7 juillet 2005 dans le métro de Londres, la police britannique a signalé 269 crimes de haine religieuse contre des musulmans et des mosquées au cours des trois semaines qui ont suivi, soit six ou sept fois plus que le niveau atteint l’année précédente. De telles réactions racistes augmentent la souffrance, plutôt que de la diminuer.

La Grande-Bretagne a adopté une attitude mesquine, totalement fermée, envers les réfugiés de Syrie et il est difficile d’imaginer comment elle pourrait adopter maintenant un comportement pire. Néanmoins nous devons combattre toute aggravation de cette politique. Beaucoup de ces réfugiés fuient la terreur cléricale-fasciste de Daesh et de mouvements similaires en Syrie. La véritable lutte contre le terrorisme nous enjoint d’accueillir ces réfugiés.

Colin Foster, AWL, 22 mai 2017

1. Note du traducteur : Selon Claire Arènes, qui a consacré son doctorat à l’étude de ce programme, « PREVENT aurait entretenu un mélange des genres dangereux entre community cohesion et lutte contre-terroriste, et conduit à une stigmatisation des communautés musulmanes. La réforme du programme consécutive à la défaite des travaillistes en 2010, n’aurait pas inversé la tendance : PREVENT demeurerait une « marque honnie » que les acteurs de terrain chercheraient à cacher.” (Cf. http://ultimaratio-blog.org/archive...)