Luddisme (aussi désigné en anglais par « Luddites »). Contrairement à ce qu’indique Révolution internationale de septembre 2000, Ned (et non John) Ludd fut le nom inventé d’un leader imaginaire souvent désigné comme le « général Ludd », par des tisserands anglais afin d’échapper à la répression frappant toute personne soupçonnée d’organiser cette forme de résistance qui consistait à briser les métiers mécaniques. Le mouvement luddite, cependant, n’est nullement une réaction désespérée d’ouvriers dressés contre des innovations techniques les privant de leur travail, et n’avait pas du tout le caractère religieux que lui prête le CCI. A cette époque (1811), bon nombre de tisserands sont encore des ouvriers à domicile, utilisant des métiers appartenant à leurs patrons, qui leur versent un salaire aux pièces aussi réduit que possible. Les destructions de métiers s’organisent après le rejet par le Parlement d’un projet de loi devant instituer un salaire minimum garanti. Elles avaient donc à la fois un caractère social et politique. Bien loin d’être une flambée de violence plus ou moins aveugle, le luddisme fut au contraire parfaitement organisé, s’étendant sur plusieurs années dans plusieurs régions industrielles d’Angleterre. Seuls les employeurs qui avaient réduits les salaires virent leurs métiers détruits.
Malgré une dure répression, le luddisme fut assez efficace et les patrons finirent pas augmenter les salaires. Ce mouvement peut être considéré comme un précurseur des syndicats qui se développèrent une décennie plus tard. Il est intéressant de constater que l’identification du luddisme au sabotage en tant que principe d’action se retrouve tout autant dans l’apologie du courant libertaire que dans la condamnation sans nuance du courant marxiste (condamnation que reprend l’article du CCI) ; de plus, cette identificationcorrespond exactement à la condamnation qu’en faisait la bourgeoisie en poursuivant les luddites comme « terroristes ». Dans un cas comme dans l’autre, on ne trouve de référence historique valable. Voici comment E.P.Thomson conclut une longue analyse du luddisme : « Il commença (1811) dans le comté de Nottingham sous la forme d’un “syndicat” d’action directe, soutenu par toute la communauté ouvrière. Comme tel il était de prime abord hors la loi et cette situation le conduisait dans une direction plus insurrectionnelle. Au cours de l’hiver 1811-1812, il semble que des “délégués”, officiels ou non, voyagèrent dans certaines régions du Nord. Dans le Yorkshire, le luddisme débuta en février 1812 sous une forme plus ouvertement insurrectionnelle. D’un côté des revendications anciennes des tisseurs firent tout exploser à l’exemple du comté de Nottingham. D’un autre côté, de petits groupes de démocrates (...)virent dans le luddisme une opportunité vers un développement général révolutionnaire... ».
On peut s’interroger sur les raisons qui purent conduire Engels à la condamnation rapportée par le CCI : méconnaissance de la situation réelle ou considérations politiques ?
On peut consulter : The Making of the English Working Class, par E.P. Thompson, Penguin Book (trad. française : La Formation de la classe ouvrière anglaise, Gallimard/Le Seuil) ; The British People -1746-1946, par G.D.H. Cole ; Trevelyan 6 English Social History, a Survey of Six Centuries, Penguin Book). Voir aussi Le luddisme.