Un colloque récent (mai 2006) organisé par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a constaté la monté de l’absentéisme pour maladie depuis la fin des années 1990. Qu’en est-il au juste et comment faut-il le comprendre ? En France, le nombre des arrêts de travail a augmenté en moyenne de 9,2 % par an entre 1999 et 2003, où le nombre d’arrêts de travail prescrits est de 7 millions, soit encore 213 millions de journée indemnisées par la Caisse nationale d’assurance des travailleurs salariés (maladie CNAMTS). Dans ce total, les causes médicales sont majoritairement des troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les ouvriers et le stress chez les cols blancs.
En France, le taux d’absentéisme (part du temps perdu par rapport au total du temps payé à tous les salariés) était de 2,9 % en moyenne pour la période 1991-1998. Il est de 7 % en 2003, avec des variations régionales (le taux des Bouches-du-Rhône est double de celui de l’Ile-de-France) et sectorielles (5,8 % dans le privé, 11 % dans le public d’Etat, 13,4 % dans le public territorial). Cette hausse est certainement à relier au passage aux 35 heures. Mais il y a d’autres facteurs, comme le vieillissement de la population active, plus souvent malade.
Le taux d’absentéisme est de 4,2 % en Allemagne et de 3,2 % en Angleterre (chiffre à relativiser très fortement, compte tenu de l’usage massif de l’incapacité longue durée : 2,7 millions de personnes touchent des indemnités d’incapacité de travail, dont 40 % d’origine mentale). L’augmentation de l’absentéisme est donc très sensible en France, et les boîtes de conseil commencent à s’occuper du problème, par exemple en proposant aux patrons de créer des primes de « présentéisme ». Les causes de cette hausse sont principalement liées aux conditions de travail, qui entraînent stress et TMS. Les spécialistes estiment qu’il y a relativement peu de fraude : selon les estimations, 85 % à 93 % des arrêts de travail sont confirmés par les contrôles. Les arrêts de travail de longue durée seraient « fraudés » à 17,5 %.
On peut donc dire que l’aggravation des conditions de travail provoque la hausse des arrêts de travail, mais pour des raisons non fictives, de sorte que cette hausse est à imputer plus à la gestion des entreprises par les patrons qu’à la révolte des travailleurs contre leurs conditions de travail.
La lutte des patrons contre l’absentéisme s’apparente plus à une recherche d’économie sur les coûts de production qu’à une campagne de remise au pas d’une population ouvrière indisciplinée. D’ailleurs, l’absentéisme est plus onéreux pour les entreprises maintenant qu’il y a vingt ans, parce qu’il y a beaucoup moins de stocks et de personnel surnuméraire. C’est d’ailleurs la solution que préconise l’Anact pour pallier les inconvénients de l’absentéisme : augmenter les stocks, embaucher plus de personnel. Or si les patrons s’intéressent soudain à l’absentéisme, c’est à cause de son coût pour l’entreprise, de sorte que les solutions préconisées par l’Anact vont à contre-courant de ce que les patrons recherchent.
Les consultants proposent diverses formules de motivation du personnel. Comme l’indiscipline et la révolte ne sont pas la cause première de la montée de l’absentéisme, certaines de leurs recettes marcheront partiellement : meilleure association du personnel aux décisions, etc.
En attendant, la tension liée à l’aggravation des conditions de travail monte inexorablement, et finira bien par provoquer une vraie crise d’indiscipline au travail, dont l’absentéisme médical sera sûrement une composante.
B. A.