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Note de lecture : « Ouvriers contre le travail. Barcelone et Paris pendant les Fronts populaires », de Michael Seidman

lundi 13 septembre 2010

Ce texte est paru dans Echanges n°133 (été 2010).

Ouvriers contre le travail. Barcelone et Paris pendant les Fronts populaires

Michael Seidman

éd. Senonevero (2010, 15 euros).

La maison d’édition marseillaise Senonevero vient de publier une traduction de Workers against Work. Labor in Paris and Barcelona During the Popular Fronts de l’historien américain Michael Seidman (University of California Press, 1991).

Il n’existe que quelques articles de Michael traduits en français, et c’est la première fois qu’un de ses ouvrages paraît dans notre langue. Workers Against Work est le premier des livres qu’il a écrits et, à ma connaissance, n’avait été traduit jusqu’ici qu’en japonais en 1998. Depuis Michael a publié deux autres gros ouvrages aux Etats-Unis : Republic of Egos. A Social History of the Spanish Civil War (The University of Wisconsin Press, 2002) et The Imaginary Revolution. Parisian Students and Workers in 1968 (Berghahn Books, 2004), sans compter nombre d’articles dans des revues ou des œuvres collectives parfois traduits en plusieurs langues. Seul le premier de ces deux derniers ouvrages a été traduit jusqu’à maintenant, en espagnol, sous le titre A ras de suelo (1).

Les initiés savent que les éditions Senonevero forment le fer de lance de militants arborant l’étendard de la communisation, à l’instar de la revue intermittente Théorie communiste et l’aujourd’hui défunte Meeting. Les non-initiés, lisant les dernières lignes de la profession de foi des éditeurs qui figure en tête du livre de Michael : « Comme la production théorique en général, nos publications sont activités. Leur nécessité est leur utilité », se demanderont, je l’espère, en quoi cette sorte de slogan ne pourrait pas s’appliquer à une quelconque publicité pour n’importe quelle marchandise.

Il y a donc dans cette traduction (par ailleurs fidèle et bien éditée, quoique l’on puisse regretter l’absence de l’index existant dans l’original, qui aurait permis d’éviter quelques erreurs) certainement une méprise de la part des communisateurs. Il serait dommage qu’en vertu de cette méprise, l’ouvrage de Michael ne trouve pas ses lecteurs, d’autant qu’il ne s’harmonise pas avec le chant baroque des textes des communisateurs précédemment parus aux éditions Senonevero.

Rompant avec les études politiques de l’histoire qui ne s’intéressent qu’aux groupes clairement identifiés et à leurs chefs, ou bien à des personnalités hors normes, Michael a pris depuis le début de son travail d’historien le parti d’analyser les événements contemporains à la lumière de l’action des sans-grade. Délaissant les interminables discussions doctrinales qui ne mènent qu’à rendre l’obscurité plus opaque, il va chercher dans les archives les faits qui prouvent la résistance des travailleurs au travail intensif, s’attachant à « l’expérience vécue des travailleurs » ainsi qu’il l’écrit dans son introduction à Ouvriers contre le travail (p. 14). Un ouvrage où il dresse le constat que la lutte de classes est souvent affaire d’anonymes.

Faut-il le dire ? L’histoire de la lutte des classes laborieuses est marquée d’une certaine ambiguïté : ceux qui luttent ne sont presque jamais ceux qui parlent des luttes, les premiers exprimant généralement leurs luttes avec des mots de tous les jours, les seconds, leurs renoncements avec des néologismes souvent forgés en dehors de tout sens commun. L’ouvrage de Michael comble cet écart.

J.-P. V.

(1) A ras de suelo. Historia social de la República durante la Guerra Civil, Alianza Editorial, Madrid 2003. (388 p., 18.70 €) ; je n’ai jamais eu cette traduction en mains, mais on m’en a dit pis que pendre.

Note : Echanges rend fréquemment compte du travail de Michael Seidman dans des notes de lecture et a publié certains de ses articles. En 2001, nous avons édité, sous forme de brochure, une version française d’un article de lui paru en 1988 dans le Journal of Contemporary History, sous le titre Pour une histoire de la résistance ouvrière au travail. Paris et Barcelone pendant le Front populaire français et la révolution espagnole, 1936-1938 (toujours disponible).

Voir aussi L’individualisme subversif des femmes à Barcelone, années 1930.

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