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État des lieux à la Poste après les grèves de mai-juin 2003

jeudi 5 février 2004

En cette fin d’année 2003, le climat social à la Poste n’est ni à la mobilisation du personnel ni à l’agitation syndicale. Et ce malgré les menaces du « contrat de plan », de la réorganisation des services financiers, de la distribution et des centres de tri avec ses conséquences sur les emplois, les fermetures de bureaux de poste, etc.

Les attaques subies contre la Sécurité sociale, les retraites, et menées par le gouvernement Raffarin, pèsent encore. Les séquelles de l’échec des grèves (et les retraits financiers sur les salaires) incitent les postiers à l’attentisme et sont renforcées par la passivité des fédérations syndicales de la Poste. Enfin, la dynamique du rouleau compresseur parlementariste et électoraliste commence à produire ses effets avec la complicité des politiques (syndicats et partis).

L’implication plus ou moins enthousiaste dans la préparation du FSE ou la participation à cet événement ont servi de palliatif ou d’ersatz à une réelle mobilisation sur le terrain. Ainsi aucune initiative n’a été organisée par les fédérations, hormis un « communiqué commun CGT, CFDT, FO, CFTC, SUD », pour une « journée d’ actions unitaires multiformes » qui concrètement n’a donné lieu à aucune action forte symbolique, et encore moins à une grève, le 23 octobre 2003. Rarement une si large unité syndicale n’a engendré une si grande passivité.

Le bilan de la grève pour les postiers est commun à l’ensemble du mouvement de grève de mai-juin 2003

Les postiers ont rapidement répondu à la grève exemplaire des enseignants (comme en 1995 à l’exemple des cheminots), mais jamais majoritairement, puisque les journées d’action les plus fortes furent suivies à environ 30 % et le reste à 5%. La fédération SUD-PTT, importante dans le secteur, a joué un rôle positif pour le lancement de la mobilisation avec l’appel à la grève générale, face à l’attentisme et au frein de la CGT. Cependant les appareils fédéraux (CGT, FO) ont adopté une démarche passive, fixant de fait des limites aux actions afin de ne pas déstabiliser le gouvernement Raffarin. Ils ont instrumentalisé les grèves et les mobilisations en vue de simples pressions et négociations dans et sur le dos des travailleurs, comme à leur habitude.

De ce point de vue, la stratégie commune (malgré quelques nuances) des organisations syndicales « radicales ») et des militants politiques comme ceux de SUD, du Groupe des Dix, de FO Ile-de-France, était bien de s’en remettre aux directions confédérées pour un appel unitaire à la grève générale. Cette stratégie leur permettait aussi de se démettre de leurs tâches essentielles qui auraient plutôt dû être de s’adresser aux travailleurs et aux structures de base interprofessionnelles, de les appeler à prendre en mains leurs propres affaires, à n’avoir confiance qu’en eux-mêmes et en leurs propres forces (exprimant ainsi leur défiance et leur désapprobation des bureaucraties).

Apparemment motivés et « radicaux », les mots d’ordre de grève générale et d’interpellation des confédérations laissèrent les mains libres à celles-ci, et les cautionnaient par avance, quitte à les critiquer après coup mais trop tard ; à aucun moment les éléments les plus « radicaux » ne furent les fers de lance d’une autre manière de lutter et de s’organiser hors des méthodes syndicales. Et ils se gardèrent bien de dénoncer la passivité des syndicats, leur complicité avec les partis de gauche solidaires du gouvernement. Pourtant, les travailleurs en grève à travers une démarche interprofessionnelle touchant privé et public, ont prouvé sur le tas, mais de manière hésitante et tâtonnante, leurs aspirations à dépasser les divisions en se dotant d’autres outils de lutte : comités de grève et coordinations à diverses échelles locales et départementales (Rouen et l’Éducation nationale en furent les deux meilleurs exemples). Mais à aucun moment une direction légitime et alternative aux bureaucraties syndicales n’a été structurée nationalement.

Alors que les militants de Lutte Ouvrière et de la LCR font depuis des années de la propagande sur les comités de grève et les coordinations, ils n’ont rien fait pour les construire au plan national (LO, bien au contraire, s’y est même opposée chez les enseignants). Voilà bien la preuve qu’aujourd’hui en France les organisations dites révolutionnaires ou syndicales radicales ont abandonné leur projet de rupture avec le capitalisme, avec le réformisme, et avec les bureaucrates, alors même qu’en pleine grève ils pouvaient s’appuyer sur le mouvement de masse et les grévistes.

Pendant et après ce mouvement, non seulement ces questions n’ont pas été posées par ceux-ci, mais encore ils les repoussèrent quand certains grévistes ont tenté de les évoquer lors des assemblées générales afin d’engager un vrai débat démocratique partagé par tous, au début du mouvement à la Bourse du travail, en matinée à l’assemblée de SUD-PTT et l’après-midi à la réunion du Groupe des 10.

Une fois de plus, comme pendant et après novembre 1995, le bilan de ces grèves n’a pas été tiré à partir des critères d’organisation, de méthode de lutte, d’autonomie du mouvement et de son auto-organisation, pour créer ou favoriser une expression légitime de contre-pouvoir face au gouvernement et aux bureaucrates.

Ce ne sont pas les initiatives du rassemblement du Larzac ou du Forum social européen qui, malgré leurs succès, masqueront la dérive politique opportuniste et l’attentisme électoraliste de ces organisations (en particulier LO et la LCR).

Christian Béridel, postier à Paris-Louvre 15/12/2003

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