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France

Retraite : Les syndicats silencieux sur le renouvellement de l’AGFF, pourquoi ? (125-2008)

lundi 6 octobre 2008

En route vers l’enterrement du départ à soixante ans. De nombreux retraités ne pourront plus maintenir leur niveau de vie

Laurence Parisot, la patronne du Medef, l’a dit et répété : « Il faut repousser l’âge légal de la retraite », c’est-à-dire crever sur le front du travail. On ne le sait généralement pas, mais en France, l’âge légal pour prendre sa retraite est de 65 ans. La possibilité de s’arrêter de travailler à 60 ans est une dérogation qui fut accordée sous Mitterrand, afin de juguler le chômage. Il fut même créé à l’époque une nouvelle cotisation pour assurer le financement des complémentaires entre 60 et 65 ans. Elle s’appelait l’ ASF (Association pour la gestion de la structure financière (1).)

Au moment de « la réforme des retraites », le renouvellement de l’ASF fut volontairement laissé dans l’ombre. De ce fait, les complémentaires n’allaient jouer qu’à partir de 65 ans, interdisant de facto dans le secteur privé tout départ en retraite à 60 ans, sans perte financière. Ce projet fut mis en échec à l’époque par les luttes (2) et déboucha sur la création le 10 février 2001 de l’ AGFF (3).

Il faut se souvenir que c’est la remise en cause par l’Etat du système de retraite du secteur public qui, en novembre 1995, avait mis le feu aux poudre dans toute la France. Dès le 27 novembre, les cheminots paralysaient tout le réseau ferré, relayés assez rapidement par les travailleurs des transports parisiens (RATP), des centres de tri postaux, d’EDF-GDF, du trafic aérien... Cinq ans après, le 16 janvier 2001, le patronat français menaçait de ne plus reconduire le système de retraites complémentaires ASF (financé par le patronat et le salariat) s’il n’obtenait pas une réforme du système de retraite. Le Medef venait ainsi de faire une véritable déclaration de guerre aux salariés. Depuis 1983, c’est grâce au renouvellement (en 1990, 1993 et 1996) de cet accord que les salariés du privé peuvent accéder à la retraite dès l’âge de 60 ans et aux accords d’entreprises d’inactivité dès l’âge de 55 ans. La politique de « refondation sociale », du Medef voulait faire fondre les retraites complémentaires de 22 %, ou allonger le temps au travail pour obtenir sa retraite pleine et entière, et cela dès le 1er avril 2001.

Voilà l’équation que des millions de salariés allaient résoudre par la grève de masse. Tout d’abord, la journée nationale d’action organisée par les syndicats le 25 janvier 2001 ne sembla pas inquiéter le patronat : « La démonstration des syndicats ne peut en aucune manière nous impressionner. Nous ne sommes pas comme les politiques qui se préoccupent de la rue », lançait alors le patron des patrons, Antoine Seillière, devant l’assemblée générale du Medef. « Sans relèvement de l’âge d’activité, c’est inutile de revenir s’asseoir [à la table des négociations] », avertissait Denis Kessler, n° 2 du Medef (« L’intransigeance du Medef sur les retraites conforte l’unité des confédérations syndicales », Le Monde du 18 janvier 2001) (4).

Pourtant l’organisation patronale devait vite se rendre compte que la manifestation du 25 janvier 2001 dépassait largement la sphère syndicale habituelle : des manifestations dans toute la France protestaient contre les prétentions du Medef à prolonger de cinq ans la durée de cotisation pour obtenir sa retraite et à ne pas renouveler le système de retraite complémentaire ASF – Il est bon de rappeler, qu’à l’échéance du 31décembre 2000, le Medef appela ses adhérents à ne plus verser de cotisations ASF. La grève des cotisations patronales dura trois mois. C’est encore une fois une véritable marée humaine qui a poussé les syndicats à organiser cette manifestation au niveau national. Le mouvement de 1995 restait présent dans les têtes. Le Medef, qui pensait bien ne faire qu’une bouchée de l’affaire des retraites, s’est brutalement retrouvé contraint de reculer sur toute la ligne, (même sur les cotisations ASF) (voir « Le Medef fléchit face à la rue », Le Monde du 26 janvier 2001).

Les mouvements de grèves dans les transports urbains de février 2001 s’ajouteront à ces manifestations pour faire reculer le Medef. L’accord AGFF sera reconduit pour dix-huit mois, puis prorogé pour un an. En échange, les patrons empochèrent les cotisations du 1er trimestre 2001 qui seront considérées comme non dues (environ 10 milliard de francs).

Nous voyons que le financement de cette part complémentaire de la retraite à 60 ans est loin d’être un acquis, le Medef ayant toujours refusé de pérenniser l’accord. Chaque renouvellement sert de moyen de pression pour revenir sur le financement de la mesure.

En mai 2003, l’accord AGFF sera prolongé pour cinq ans. Les millions de salariées qui se sont mobilisés au premier semestre 2003 pour la défense des retraites, ont dissuadé le Medef de recommencer son coup de force de 2000. Si les manifestations de 2001 et 2003 ont empêché le Medef d’aller aussi loin qu’il le voulait, le projet n’a toutefois pas été abandonné.

Une perte de 22 % sur les complémentaires

L’accord AGFF prend fin au 31 décembre 2008. Une négociation interprofessionnelle doit s’ouvrir avant cette date pour définir les modalités d’une intégration-liquidation de l’AGFF dans l’Argic et l’Arrco.

Il est plus que probable qu’à l’occasion de cette renégociation, nous assistions à l’enterrement discret de la retraite à 60 ans. C’est par le truchement de la liquidation-intégration de l’AGFF que le gouvernement compte décourager tout départ en retraite à 60 ans, en imposant des conséquences financières importantes.

En effet, sans cet accord et le financement correspondant, les caisses complémentaires ne prendront pas en charge les cinq années manquantes. Des abattements réduiraient les pensions ; les pertes seraient de 22 % à 60 ans, 17 % à 61 ans, 8 % à 63 ans, 4 % à 64 ans.

Si cet accord n’est pas renouvelé (ce que laisse supposer le journal La Tribune du 2 mai 2008), c’est tout le dispositif de départ à la retraite à 60 ans qui sera remis en cause. Qui pourra se permettre de partir avec une perte de 22 % sur sa complémentaire ? D’autant que l’indexation est toujours au-dessous de l’inflation réelle : 1,1 % cette année, avec une promesse de 0,8 % dès septembre.

Le cumul emploi-retraite contre la jeunesse sans travail

Sarkozy le sauveur est pour le cumul emploi-retraite. Il vient de le dire : « Ceux d’entre vous qui auront cotisé pour avoir une retraite pleine pourront avoir leur retraite et prendre un emploi en plus et cumuler sans limite retraite et salaire (5). »

En fait, il faudrait dire qu’avec le non-renouvellement de l’ AGFF, de nombreux salariés (notamment cadres) ne pourront plus maintenir leur train de vie.

Le senior Sarkozy leur propose donc le cumul emploi-retraite, livrant ainsi un paquet de seniors à bas prix sur le marché du travail, en concurrence avec une jeunesse sans expérience qu’on laisse sur le pavé.

Gérard Bad

30 juin 2001

Pour la suite voir l’ article sur SPARTACUS1918 http://spartacus1918.canalblog.com/...

Notes

(1) L’ASF fut mise en place en 1983 après la convention financière, conclue entre les partenaires sociaux et l’Etat, pour permettre aux régimes complémentaires Agirc et Arrco (voir note 3) de supporter le surcoût des allocations de garantie de ressources et de retraites complémentaires entre 60 et 65 ans (abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans).

(2) Voir La Lutte de classes en France, novembre et décembre 1995. Témoignages et discussions sur un mouvement social différent, Echanges et Mouvement, mars 1996 : 1995 - 1 : Avant l’explosion : que faisait-on vivre au prolétariat ?, 1995 - 2 : Des prolétaires parlent, 1995 - 3 : L’embrayage des grèves : vers une généralisation ?, 1995 - 4 : L’extension reste limitée, 1995 - 5 : La déconnexion, 1995 - 6 : Un mouvement brisé ne reprend jamais immédiatement, 1995 (7) - Annexes : Restaurer le taux de profit - Sur la défense du « service public » - Bibliographie - Sigles.

(3) L’AGFF (Association pour la gestion du fonds de financement de l’AGIRC et de l’ARRCO), créée en 2001, assure le financement des retraites complémentaires. Elle collecte les cotisations sociales dues par les salariés cotisant auprès de ces institutions. Voir la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Voir aussi l’ accord Agirc-Arrco du 13 novembre 2003.

- L’Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc), créée en 1947, est le régime complémentaire des cadres et assimilés. 3,73 millions de personnes y cotisent en 2008, pour un montant global de 15,13 milliards d’euros. L’Agirc reverse 15,84 milliards d’euros à 2,17 millions d’allocataires.
- L’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco), créée en 1961, est le régime complémentaire de tous les salariés. Elle recueille en 2008 31,86 milliards d’euros de cotisations auprès de 18 millions d’actifs, et reverse 29,95 millairds d’euros à 11,3 millions d’allocataires.

(4) Voir La spoliation des retraités, un moyen pour le capital financier de contrecarrer la baisse du taux de profit, Echanges n°102 (automne 2002).

(5) Nicolas Sarkozy a défendu mardi 6 mai, devant des ouvriers d’une entreprise de béton du Gard, le plan du gouvernement en faveur de l’emploi des seniors, et notamment le cumul emploi-retraite.

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